Annexe 2 au dossier « Comprendre l'histoire par la chanson » : Chanter sa colère ... (1911) La Sologne. Documents de littérature traditionnelle. Mouton Éditeur, Paris, 1975, 342 pages. Auteur : Bernard EDEINE Extrait de l’ouvrage : In Chapitre IV : La chanson populaire en Sologne IX : Chansons historiques, politiques et satiriques pp. 215-218 : ces 3 pages sont consacrées à une chanson de 1911, écrite par des ouvriers en grève. « En 1911 il y eu aux Établissements Normant de Romorantin, usine de tissage importante, une grève extrêmement dure dont on se souvient encore. Deux « cardeux » composèrent à cette occasion une chanson dont nos informateurs n’ont pu malheureusement que retrouver quelques bribes. Leurs auteurs, Misaël Sainclivier et Gaston Delvigne, perdirent leur place à l’usine après la grève, à cause de cette chanson. Notons aussi que Pierre Laval alors jeune avocat socialiste était venu apporter son soutien aux grévistes. D’après nos informateurs cette chanson se chantait sur l’air de « La Valse brune » ou sur l’air de « A Ménilmontant » d’Aristide Bruant : « Dans la vill’ d’ R’morantin Les tondeurs à Benjamin Pour augmenter leur Salaire Qu’on abaisse … Refrain : Allons à l’usine gagner des salaires de famine Pendant qu’ not’patron Empoche des millions. » Cette grève, qui avait duré trois semaines, avait beaucoup affecté la population de Romorantin. Elle avait eu pour point de départ le fait qu’un certain Landard, contremaître aux « apprêts » de l’usine, avait retenu à tort des primes dues à des ouvriers. Une chanson avait été composée sur cet incident et elle avait pour titre « Connaissez-vous Landard ? ». « Conaissez-vous Landard C’est un fameux lascard Qui veut nous voler tous nos sous Ça n’ dur’ra pas C’est pas comme ça. Nous l’avons pris à voler Et nous l’avons dénoncé. L’ patron d’vait l’ renvoyer Et maint’nant y veut l’garder. Même refrain que précédemment. » Voici le texte d’une chanson de Misaël Sainclivier, composé après son renvoi de l’usine, chanson qui nous a été aimablement communiquée par Mme Barré, sœur de M. Sainclivier, par l’intermédiaire de M. P. Villedieu, secrétaire de la Société d’Art et d’Archéologie de la Sologne. Elle se chante sur l’air de la « Valse brune » : La grève des cardeux et les salaires de famine « Amis, voici not’ petite chansonnette Dont le refrain ne sera pas très gai C’est tout nouveau et celui qui l’a faite Est simplement un cardeux révoqué. Ces travailleurs las de souffrir sans trêve Pour des motifs qui leur font grand honneur Avaient levé l’étendard de la grève Contre leur exploiteur ! Refrain : Aller à l’usine Gagner des salaires de famine Pendant que notre patron Entassera des millions ! Aller à l’usine Gagner des salaires de famine Pour entretenir la misère Dans l’ bagne « Normant Frères ». D’abord devant les procédés indignes D’un contre-maître il fallut s’ révolter A fuir au loin le mufle se résigne Il avait s’mé ce qu’il vient de récolter. Ce triste sire sans cœur et malhonnête Que le patron n’voulait pas déplacer Tous les cardeux s’étaient mis dans la tête De s’en débarasser ! Refrain La vie hélas est de plus en plus chère Les ouvriers n’ pouvant plus arriver Demandèrent une augmentation d’ salaire Que le patron osa leur refuser. Et nous voyons cet archi-millionnaire Impitoyable et gonflé d’ambitions Dans not ‘ pays cultiver la misère Qui produit ses millions ! Refrain Si tous les travailleurs de la campagne Gardaient au cœur leur antique fierté Ils n’viendraient pas s’enfermer dans un bagne Après avoir joui de leur liberté ! Ah ne vient pas nous faire concurrence C’est pour t’avoir ainsi qu’un vil bétail Que les patrons demandent l’abondance De la chair à travail ! Refrain » (1911) »
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